Personnalité
« L’homme ne s’assoit jamais. Est-ce l’habitude de l’instituteur ou du peintre ? Il semble tout à la fois réfléchir, descendre en lui-même, et regarder, l’œil vif, avec un agréable sourire au coin des lèvres.
L’homme parle, aime parler, mais soudain parait se reprendre, presque contrôler sa voix et dit :
"Vous croyez vraiment que ça va intéresser les gens ?"
Discret, aimable, il a failli traverser le siècle sans se faire remarquer, pour ne pas déranger. Figure locale parmi les plus connues au Creusot, Rochette semble s’être refusé à devenir un notable. Bien que l’on aperçoive ses tableaux dans des dizaines d’appartements et de bureaux, bien qu’il ait joué un rôle culturel de premier plan dans l’histoire de la région, bien qu’il soit salué poliment par les ouvriers dans la rue, Rochette n’est pas de ces brasseurs de vent ou coureurs de médailles. Il ne refuse pas la notoriété, mais il ne la recherche pas obstinément. Sérieux, à cent lieues des envieux et des jaloux, vif et clairvoyant mais jamais agressif, il laisse doucement filtrer une passion, celle de la peinture qui l’habita toujours.
Et si l’on pouvait sonder les cœurs comme on le fait de l’écorce terrestre, on trouverait en lui une lave brûlante comme celle qui s’écoule des creusets géants et qui a irrigué son univers mystique et indicible. Qui a vu un jour un tableau de Rochette ne peut pas résister à l’envie de connaître l’homme.
Cependant Raymond Rochette, qui se dit pauvre d’imagination a besoin pour peindre, du contact avec la réalité. Il lui faudra, pour s’exprimer pleinement, être immergé dans l’atmosphère des ateliers, non seulement voir les fournaises, mais respirer les odeurs du métal, du charbon, du goudron, entendre le rythme puissant des machines, et plus tard, communiquer amicalement avec les ouvriers dont il se sent très proche.
Ses maîtres sont les grands peintres régionaux de l’époque : essentiellement Edmond Chaine, Jean Laronze, Honoré Hugrel, Jules Adler et Louis Charlot. Il les consulte régulièrement, expose ses tableaux à leur critique, est très sensible à leurs remarques qu’il note parfois au dos des tableaux, ainsi que le jour où il a apporté la modification conseillée.
Lors de sa première exposition à Paris, au « salon des artistes Français » ; il avait alors 23 ans son paysage « Les moissons », est choisi sur les conseils d’Edmond Chaine.
Plus tard, Honoré Hugrel et Jules Adler le parrainent lors de son entrée à la société des artistes français.
Les échanges avec Louis Charlot sont nombreux ; ils continueront après la guerre et deviennent des relations amicales qui les amènent à partager les joies et les peines de l’un et de l’autre.
Cette vocation de peintre éclose d’un milieu qui ne semblait en rien destiné à la produire, explique peut être un certain aspect marginal de la personnalité de Raymond Rochette. Artiste autodidacte, il s’est tenu à l’écart des écoles et des tendances tout en se voulant et en réussissant à être un témoin de son temps. Bien sûr, les rencontres avec d’autres peintres rompaient son isolement, mais Louis Charlot et Jules Adler lui donnaient des conseils, non des leçons. Et il s’est très vite dégagé de leur influence. Il est d’ailleurs remarquable que ni ces échanges, ni ses nombreuses lectures de revues artistiques, ou les visites d’expositions à Paris, ni ses séjours à l’étranger… n’aient eu d impact réel sur lui et sur son œuvre.